Programmation artistique et culturelle de la Fondation
Expositions
La Fondation Robert de Sorbon est un lieu ouvert au public, avec un programme d’expositions d’art numérique, consacrées à l’innovation dans la transmission des savoirs.
Transmission(s)
7 février – 30 juin 2022
Le langage construit une réalité ou des réalités, et ce d’autant plus à l’heure du machinique.
Est-ce que le numérique influe sur le langage ? Laisse-t-il la place à des ruptures, à des irrégularités de la langue qui signent une langue, une personnalité ?
Les langues sont-elles des passerelles, des limites entre nous et le monde ?
Cécile Babiole, Magali Desbazeille, Antoine Schmitt sont des pionniers des arts numériques en France et ouvrent de manière symbolique la première exposition artistique de la Fondation.
Dès les années 1990, ces artistes se sont emparés des outils numériques, s’inscrivant eux-mêmes dans une histoire déjà très longue des arts liés aux technologies.
Critiques, observateurs, activistes dans leurs pratiques, chacun d’eux apporte un regard singulier et souvent ironique sur les médias d’aujourd’hui. Image, son, interactivité, chaque média est exploré, disséqué, interrogé, le plus souvent avec une distance ironique.
Il nous a semblé important d’écrire le point de départ de cette programmation avec ces trois artistes tous issus de cette même génération, avec un regard à la fois pertinent et impertinent sur les nouveaux médias.
Du cyberféminisme de Cécile Babiole, aux performances pleines d’humour et d’intelligence de Magali Desbazeille et aux réflexions sur l’essence du numérique avec Antoine Schmitt, une première pierre est posée, une réflexion sur le langage.
Curatrice : Natacha Duviquet
Psychic
2004
Installation interactive
Ordinateur, programme spécifique, caméra de surveillance, vidéoprojecteur, haut-parleurs
Psychic « voit » les spectateurs et décrit ce qu’elle voit par des phrases qui s’écrivent en temps réel sur le mur. Le texte s’affiche lettre à lettre, comme s’il était tapé sur une ancienne machine à écrire. On entend le son si caractéristique de cette machine, donnant ainsi une dimension paradoxale au dispositif : à la fois ancien (une mécanographie) et contemporain (une « intelligence artificielle » invisible mais agissante). Ce dispositif étrange perçoit le monde un peu différemment de nous : il voit mal mais il est très sensible aux états internes et aux motivations des spectateurs.
Les Mobinautes latinisés
2013 – 2021
Photos-objets, vidéos
De la diffusion mondiale de l’alphabet latin par un simple outil de communication : le téléphone à touches. Ou comment Chinois, Coréens, Russes, Grecs, Algériens, Marocains sont obligés de latiniser leur langue pour envoyer des SMS. En 2013, Magali Desbazeille a réuni dans une installation comme des photographies de famille, des paroles de mobinautes. Ils relatent leur latinisation massive engendrée par l’usage du téléphone à touches depuis le début du millénaire, partant d’univers linguistiques différents dans leurs graphies alphabétiques ou idéogrammatiques. Qu’en est-il en 2022 de cette latinisation ? Comment certains jonglent-ils entre plusieurs langues et plusieurs alphabets du monde ?
Euh… ! Disfluences
2015
Vidéo monobande (boucle, 8 min. 30)
Contrairement à l’écrit, l’oral est parsemé de petites hésitations, répétitions, allongements syllabiques, qui viennent perturber la fluidité de la parole. Ces discontinuités sont appelées « disfluences ». Elles ont pour fonction de faire patienter l’interlocuteur pendant l’élaboration du discours, elles traduisent les émotions, le stress mais aussi le profil sociologique du locuteur. En apparence disruptives, ces failles du discours sont en fait des liants dans l’enchaînement des idées en cours d’énonciation. Elles sont le propre de l’oralité, même les communicants les mieux entraînés ne peuvent y échapper.
À ce jour, les logiciels de transcription automatique basés sur l’intelligence artificielle sont encore peu capables de prendre en compte les disfluences, et font de cette particularité humaine une forme de résistance au nouveau régime tout numérique qui envahit le quotidien. Réalisée et montée à partir d’un entretien avec Olivier Baude, docteur en science du langage et directeur scientifique de l’Observatoire des pratiques linguistiques (DGLFLF), la vidéo Euh… ! Disfluences met au premier plan les ratés de la parole et les rend perceptibles grâce à un sous-titrage créé à cet effet.
Lancement du livre Wikifémia
Table ronde avec les artistes
Transmission(s) en photos
Mémoires d'objets
10 janvier – 10 mars 2022
La Fondation Robert de Sorbon et l’association Maisons de la Sagesse-Traduire présentent Mémoires d’objets – une exposition qui accueille la parole, en français, de quatre « porteurs de récits » à travers trois triptyques.
L’objet de mémoire est là, qui, fonctionnel ou non, matériel ou non, représente un temps dépassant sa présence. Il est celui dans lequel s’enracine la mémoire, celui qui convoque des gestes, des mots, des langues, des sons, des saveurs, des images, des espaces, bref, un récit de vie.
Dans une muséo-banque, le récit de vie porté par l’objet réactualise le passé et ancre un projet futur dans une histoire de vie. La valeur du triptyque objet-récit-projet d’entreprise sert de garantie à un microcrédit auquel le porteur de projet, dans le contexte actuel, n’est pas éligible. La muséo-banque, ni musée ni banque, est un espace d’accueil et de partage d’objets, de récits, d’histoires singulières de porteurs de projets qui problématise les dispositifs traditionnels de conservation et d’exposition, établissant ainsi un nouveau régime de valeurs.
Ana, Jawid, Yacine et Kama invitent à un voyage dans l’entrelacement des mémoires et des langues qui dessine un territoire.
Convivio
AVEC ANA
Ana présente une robe blanche et deux passeports de sa mère, l’un portugais, du temps de la colonisation et l’autre, capverdien, délivré juste après l’Indépendance. Ils accompagnent son récit de vie, fil conducteur qui mène à son projet de création d’une entreprise polyvalente de nettoyage (chantiers, bureaux, ménage à domicile…) ancrée sur un territoire en pleine mutation urbaine.
Ana a quitté son île de Santiago à 16 ans, vêtue de cette robe blanche envoyée par sa mère déjà en France. La robe raconte la vie d’avant, les couleurs vives des maisons, la lumière brûlante sur des sols arides, les odeurs et les musiques entre le paradis et la lutte pour la survie. Elle lui permet aujourd’hui de construire son projet d’entreprise en restant au plus près de son histoire de vie qui s’inscrit dans l’histoire collective des migrants capverdiens à travers le monde.
« Nous, quand on voyage,
on a saudade et morabeza.
Saudade, c’est quand on est
loin et que l’on sent le manque
du pays. Morabeza, c’est quand
on revient, c’est comme
si on n’était jamais parti »
« Sodade é horas ki nu sta
longi ku nostalgi de nós terra.
Morabesa regresa pa nós terra
sima ki nunca nu sai »
Sur la voie de Fantani,
les saveurs du Mali
AVEC YACINE ET KAMA
Yacine présente le boubou donné par sa mère au moment de leur séparation et Kama présente le mortier et le pilon sans lesquels les saveurs des céréales de son pays s’évanouissent et se banalisent.
Ces objets qui viennent de Ségou, en pays bambara, et de Kayes, en pays khassonké, alimentent un dialogue permanent entre Yacine et Kama qui, dans la suite des engagements de la grande chanteuse Fantani Touré en faveur des droits des femmes, veulent créer un lieu de rencontres autour des produits et des plats du Mali. Elles veulent faire découvrir la diversité de leurs cuisines et de leurs cultures, passer « de la terre à la fourchette » avec des produits bio du Mali, faire renouer des exilés de trente ans avec les saveurs de leur jeunesse, créer un lieu associatif humanitaire et culturel autour d’activités de cuisine-vente de denrées alimentaires bio et d’activités de cuisine-traiteur de plats du Mali.
De Ségou à Kayes, bon appétit !
« Un tô sauce gombo de Ségou :
500g farine de mil, de sorgho, de maïs,
de manioc, 2L d’eau, des gombos,
des oignons… et un djouka de Kayes :
500g de fonio et 200g d’arachides réduits
en poudre avec le pilon, 10 petits gombos
râpés, 1 cuillère à café de bicarbonate
de soude ou ½ cuillère à café de potasse
diluée dans un verre d’eau, 10 gros
oignons, de gros morceaux de poulet…»
Musiques et poésies du monde,
d’Asie et d’ici
AVEC JAWID
C’est son premier harmonium, « son ami », que Jawid, né à Mazâr-e Charîf en Afghanistan, a choisi comme fil d’Ariane pour tisser l’histoire de sa vie jusqu’à son arrivée en France il y a 4 ans. Il travaille dans une association d’accueil de migrants et voudrait créer avec ses amis une entreprise qui organise des événements (concerts, lectures, éditions) pour célébrer les passages entre les musiques, les poésies et les langues de l’Afghanistan à l’Europe en passant par l’Inde, l’Iran, le Turkménistan…
Jawid est allé de l’Afghanistan à l’Iran au gré des secousses talibanes, jusqu’à son arrivée en Inde, à Pune. Il y fit des études de commerce et poursuivit en même temps pendant plusieurs années des études de musique dans une gharana où il s’initia au genre du ghazal.
Aujourd’hui il fait chanter Ronsard, Éluard, Baudelaire en pachto, en persan, en hindi, en bengali.
« Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté »
Paul Éluard, Liberté
هملک کی ییاناوت هب
من زندگی ام را دوباره آغاز میکنم
من برای شناختن تو تولد شده ام
و برای نام بردن تو
آزادی
د یوې کلمې په ځواک سره
زه خپل ژوند بیا پیلوم
زه ستاسو د پیژندلو لپاره زیږیدلی یم
او تاسو نومول
آزادي
এবং একটি শক্তিশালী শব্দের মাধ্যমে
আমি আমার জীবন পুনরায় শুরু করব
আমি জন্মেছি পুনরায় ত_োমাকে জানার জন্য
এবং ত_োমাকে পরিচিত করার জন্য।
স্বাধীনতা